Le marché du coliving en France en 2020 | de Barbara Benini

L’avenir du marché immobilier s’appelle coliving. Cette forme particulière de cohabitation d’origine anglo-saxonne se répand rapidement dans le monde entier grâce à sa formule : combiner le besoin de logement flexible clés en main et services compris avec celui d’établir des relations sociales. C’est du moins ce qui ressort du rapport de BNP Paribas intitulé Le marché du coliving en France publié fin 2019 à l’occasion du lancement de ColivMe, le premier marché de coliving en Europe. Ce rapport photographie la situation actuelle tout en se concentrant sur les perspectives et la possibilité de développement de ce secteur dans l’Hexagone.

Aujourd’hui, le marché du coliving représente plus de 5 000 places en France. L’Île-de-France représente environ la moitié du marché, plutôt dans la petite et la grande couronne de Paris. Selon les experts de BNP Paribas, l’avenir est également très rose, avec Près de 3 500 nouvelles places de coliving en projet, principalement en Île-de-France, qui va guider le marché. Un véritable boom qui, selon les données fournies par l’opérateur de services immobiliers JLL, concernera toute l’Europe, où l’augmentation du phénomène sera de 115 % les deux prochaines années. Et ce, malgré le besoin d’isolement social créé par l’urgence sanitaire du Covid-19. « Contrairement au marché des résidences de courte durée, comme les hôtels et les Airbnb, le marché du coliving marche toujours » expliquent Lionel Bodenes et Alexandre Marcadier, cofondateurs de ColivMe. « L’actualité nous montre la résilience du coliving par rapport, par exemple, à l’industrie hôtelière. L’utilité du coliving est très bien perçue dans cette période de confinement forcé, où de nombreuses personnes doivent faire face à la solitude dans nos métropoles. Le coliving est basé sur le savoir vivre en communauté tout en maintenant un sens aigu des responsabilités envers les autres ».

La réflexion et la conceptualité autour du coliving partent de trois réalités. La première est la difficulté d’accès au logement dans les métropoles françaises, parce que la demande ne cesse de croître et parce que si la situation professionnelle et économique n’est pas stable, il est difficile de se projeter sur la durée d’occupation du logement voulu. La deuxième est l’énorme augmentation de la demande de logement au cours des vingt dernières années, entre 2 et 3 % par an en moyenne en France. La troisième est la particularité des besoins de logement pendant les périodes transitoires de la vie, soit la période étudiante, la période d’entrée dans la vie active et la période de jeunes séniors de 55 à 65 ans qui partent à la retraite. Ces catégories de personnes, qui ont tendance à vivre seules, sont aujourd’hui toutes en augmentation : entre 1990 et 2012, le nombre de personnes vivant seules est passé de 6 à 9 millions, soit une hausse significative de 50 %. Le nombre d’étudiants suit également une croissance élevée et constante ces dernières années : entre 2008 et 2019, il est passé de 2,2 à 2,7 millions et, selon le ministère de l’Enseignement Supérieur, il atteindra 2,8 millions d’ici 2024, soit une croissance annuelle moyenne de 1,6 %. Dans tous ces cas, il s’agit là de clients potentiels du coliving, une solution qui répond aux besoins de ces personnes car elle propose un logement abordable et clé en main, ainsi que des services, des opportunités et des espaces de communauté. Et en plus, elle présente l’avantage de résoudre le problème de la difficulté à trouver un logement, étant donné les prix élevés sur le marché et la demande fréquente de garanties pour conclure des contrats de location, généralement à long terme.

Dans ce contexte, le coliving semble être une réponse presque naturelle aux nouveaux besoins de l’habitat car elle présente trois caractéristiques principales : la flexibilité en ce qui concerne la durée du loyer et l’équipement du logement ; les services, comprenant les services publics (accès internet ou maintenance) et les activités de loisirs ; la communauté, c’est-à-dire les espaces communs qui favorisent l’interaction entre les résidents. Les demandes des clients, surtout pour les services, sont variées. Elles vont des plus courantes (accès Internet, possibilité de contacter le propriétaire en cas de panne ou de petites réparations, etc.) et des plus facilement accessibles, qui ne mobilisent pas un temps long et que l’on peut pratiquer en individuel, comme le sport, à des activités plus collectives – soirées à thème, jeux de société et ateliers. Cela se traduit par l’aménagement de l’espace, avec des chambres privatives équipées pour pouvoir vivre en autonomie et des espaces communs accessibles et réservés aux moments de loisirs.

Mais comment le marché répond-il à ces demandes ? En France, il existe actuellement trois types de structures dédiées au coliving. Il y a les petites, construites dans des maisons préexistantes qui offrent aux clients quelques chambres individuelles, de l’ordre de quelques unités, et des espaces communs dédiés à la socialisation, comme le salon et la cuisine, tous de petites dimensions. En général, la salle de bains est commune. Les services inclus dans le loyer sont pour la plupart essentiels, tels que les abonnements aux contenus numériques et la gestion des installations. Ensuite, il y a celles de taille moyenne, le plus souvent de grandes maisons adaptées à cet usage spécifique ou des bâtiments construits sur mesure. L’offre peut atteindre une trentaine de lits, avec des chambres de taille moyenne et des espaces communs assez vastes qui permettent de disposer d’un personnel adéquat dédié à la gestion de la structure et d’une large gamme de services, certains standards pour tous, d’autres disponibles au choix avec une augmentation du loyer.

Enfin, il y a les grandes résidences qui accueillent en moyenne une centaine de lits. Les dimensions importantes permettent à ces structures d’offrir différents types de logement, du studio à la chambre individuelle avec salle de bains privée ou partagée, un personnel de service sur place, une assistance permanente et un large éventail de services, tels que de grands espaces de coworking ou de restauration, parfois également accessibles aux non-résidents.

Les services sont donc un élément caractéristique très important du coliving, à tel point que la moitié des personnes qui gèrent ce type de logements en proposent au moins neuf, parfois même plus de vingt. Ils peuvent être matériels – mobilier, équipement, location de vélos et de voitures, buanderie – ou immatériels – connexion internet, maintenance, services administratifs, conciergerie. Ce type de services comprend également les activités et les espaces loisirs : cinémas et cours de cuisine ou salles de sport et espaces de coworking.
Il existe également d’autres formes de coliving, que l’on pourrait appeler simplifiées. C’est le cas des résidences équipées, qui proposent des appartements ou des chambres individuelles et certains services, mais pas d’activités pour encourager la socialisation des résidents. Ou encore celui des cohabitations, de la plus classique, avec partage de l’appartement et du loyer, à celle gérée par un intermédiaire qui loue séparément les chambres d’un grand appartement, avec éventuellement des espaces communs. Aucun de ces cas ne prévoit de services ni d’activités de socialisation.

Mais qui investit dans cette activité ? En France, le paysage est varié et promet de s’étendre et de se diversifier encore plus. Outre les opérateurs spécialisés dans ce produit, le grand potentiel du secteur attire tous les opérateurs de l’immobilier résidentiel, des hôtels aux résidences universitaires en passant par les appart’hôtels. Et déjà les investissements dans le secteur ne manquent pas. « Sur le marché français, expliquent Lionel Bodenes et Alexandre Marcadier, entre l’injection récente de 30 millions par Colonies et un portefeuille immobilier de 150 millions, le fonds spécifiquement créé par l’entrepreneur Charles Beigbeder avec Sharies, un grand opérateur colombien du coliving, et les nombreux fonds de Private Equity qui se mettent en place sur ce nouveau marché, on ne peut qu’être optimiste sur le volume des investissements dans le secteur ».
Et ce, même si l’avenir nous semble aujourd’hui de plus en plus marqué par l’isolement. « Le coliving nous permet de maintenir un lien avec les autres tout en gardant des distances sociales, ajoutent Bodenes et Marcadier. En effet, contrairement à la cohabitation classique, le coliving nous permet de préserver nos espaces privés tout en profitant de lieux d’échanges interpersonnels. À notre avis, cette crise sanitaire permet de soutenir ce nouveau modèle de d’habitat ».

Enfin, le coliving s’est avéré être une excellente solution pour reconvertir des structures préexistantes. De ce point de vue, il est en effet possible, rapidement et avec un investissement relativement faible, de réadapter à usage d’habitation collective des centres commerciaux désormais peu fréquentés et peu rentables, pour les restituer, avec la même rapidité et la même rentabilité, à leur usage commercial initial si celui-ci redevenait plus avantageux.

 

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Mai 2020